Cinéma

Wild Side

N'allez pas voir le film Wild side de Sébastien Lifshitz. (Enfin, allez-y si vous voulez, mais je vous aurai prévenu(e)s...)

Bien que cela ne soit pas un film sur la transidentité, je pense que les messages qu'il véhicule sur la question trans' sont dangereux.

Lifshitz n'a visiblement pas compris plus de choses à la transidentité que Jean-Henri Roger avec Lulu. Mais le danger est que là où Lulu met les pieds dans le plat en balançant des clichés au spectateur, Wild side, par sa présentation façon reality TV (ou faux documentaire) donne les éléments pour que le spéctateur construise ces mêmes clichés lui même. D'une certaine manière, le style plus intello et plus fin de Wild side enrobe les gros clichés et rend la pilule plus facile à avaler.

La 'réalité' qui est montrée par le film (et qu'un spectateur ayant peu de recul sur la question trans' aura très facilement tendance à généraliser comme une réalité universelle) donne une vision peu reluisante et certainement pas représentative de ce que sont et vivent les personnes transgenre.

Une fois de plus, on voit une trans' bien paumée, sans travail, qui vit de la prostitution, en marge de la société, qui n'a pas fait la paix avec son passé masculin et dont la transidentité est mal acceptée par sa mère.

Je ne condamne pas cette vie, et je ne dis pas que certaines trans' ne sont pas dans une situation analogue, mais je dis simplement que la vie que mène Stéphanie, la trans' du film, n'est pas représentative de ce que vivent au quotidien beaucoup de trans'. Malheureusement, c'est presque toujours cette 'réalité'-là qui ressort dans les media.

Et je ne comprends décidément pas pourquoi c'est toujours ce même cliché que l'on nous ressert systématiquement dans les films ou les émissions TV. J'ai toutefois ma petite idée là-dessus : le misérabilisme et le sensationnalisme émeuvent un certain type de public et font vendre. Cette 'mode' est malheureusement parfaitement contre-productive en ce qui nous concerne. Elle nous pose en victimes d'une malédiction ou d'une maladie, incapables de nous adapter à la société et de vivre comme tout le monde. Cela encourage la discrimination, la peur (Qui a envie d'une vie comme celle de Stéphanie, ou que son enfant, son conjoint prenne une voie similaire ?) au lieu de banaliser la transidentité et de montrer que nous sommes des humain(e)s et des citoyen(ne)s comme tout le monde, avec des droits égaux.

Un autre aspect du film qui m'a marquée est sa façon d'aborder la marginalité. Derrière ma façade de personne bien intégrée qui bosse comme ingénieur pour une multinationale, ma vraie vie se passe essentiellement dans l'underground et je sais ce que signifient être marginale, anti-sociale et s'affranchir des conventions. Ce que j'ai vu dans ce film (le côté 'paumé' des trois personnages, leur relation à trois, leur vie, leurs états d'âme) ne ressemble en rien à de la marginalité, et sonne complètement faux. C'est pour moi plus une repésentation de la marginalité telle que les bourgeois se l'imaginent. Pire, le film ne juge pas directement cette marginalité mais manipule le spectateur en lui donnant certains éléments qui mis bout à bout ne peuvent que le pousser à tirer la conclusion suivante : "La norme c'est bien, j'ai de la chance d'y vivre, et je plains ces pauvres gens qui vivent à l'écart de cette norme et qui de ce fait sont perdus dans leur vie".

Je pense, pour le vivre, que l'on peut être parfaitement lucide, pas paumé(e) du tout, et heureux/-se en dehors des normes. Je pense aussi que la transidentité est entre autres quelque chose de positif, une richesse que l'on a la chance d'avoir en nous, et non pas un fléau.

À quand un film français qui abordera la question transgenre sous un angle positif ?

Et aussi à quand un film où l'on pourra voir des trans' mener une vie ordinaire sans que la transidentité ou la marginalité ne soient le thème central ?