Mon histoire (par Sandra)

Dernière mise à jour faite le 30 mars 2004

Ceci n'est pas une histoire de roman, même noir. C'est ma vie, et à ce titre tout droit de reproduction, d'utilisation, d'inspiration à titre commercial, littéraire, philosophique ou autre est interdite sans autorisation expresse de ma part. Ceci en vertu des lois sur la vie privée et du copyright.

Il était une fois ...

... un petit garçon qui devait être une fille, là est le dilemme profond, conçu en janvier de l'an 1960 par amour entre deux parents issus d'un milieu rural. Ma mère rêvait de donner une soeur à l'aînée, après deux essais marqués garçon la déception fut si grande le jour de ma naissance qu'elle refusa de me prendre dans ses bras durant 8 jours (ça, je ne l'appris que très récemment, après avoir pris la décision de changer ma vie).

Enfin, la vie ne fut pas si simple. Dans un terrible accident, ma mère, qui me tenait dans ses bras à ce moment là, ne put se protéger, et me voilà à l'âge de 4 ans privée de son amour. Toutefois, autant que je me souvienne via quelques photos, j'ai baigné dans un état semi-comateux de garçon-fille. Vers l'âge de 8 ans, mon attirance vers la lingerie fit ses apparitions. En douce, je me faufilais de temps en temps pour enfiler les bas de ma grand-mère, celle-ci ayant repris le flambeau avec 5 petits-enfants à faire grandir. Merci à elle.

Vient alors le début de l'adolescence et les premiers signes de malaise. Malaise de contact vécu jusqu'à ce jour envers les 'copains'. Bizarrement je n'arrivais pas a être admis à 100 % par eux. Une balade s'organisait, tout le monde était appelé, moi pas. J'arrive après, tant pis. Il fallait que j'organise pour être sûr d'être de la fête, que je prouve que le garçon était fort/décidé/capable de le faire, alors que franchement, j'aimais parler aux filles. Pas comme un garçon mais entre filles. Combien de fois n'ai-je pas passé mes sorties de primaire chez ma voisine avec ses filles, faire des goûters, des après-midi crêpes où les mecs venaient se goinfrer et repartaient. Oubliant mon malaise naissant, j'aimais repasser, coudre les boutons, du canevas, et à l'occasion étant le plus disponible à ces tâches, je pus même diriger l'intérieur de la maison pendant les vacances, telle une femme accomplie, ceci vers l'age de 12 ans. Jamais je n'ai oublié cette après-midi de jeu avec mes cousines, ces nounours, ces poupées, où je me suis sentie fille quelques instants seulement car la réaction fut sèche quand elles ont plus ou moins vu mon comportement. Un garçon, et en garçon tu dois t'assurer de ce que tu as entre les jambes.

L'adolescence fut marquée par des souvenirs analysés tardivement : le premier fut de voir un de mes frères se masturber. Cela me mit en transe et provoqua ma première éjaculation, la deuxième fut la découverte de la femme via les BD, mais ce qui découla de l'analyse est que ces gros seins m'attiraient par leur générosité mais qu'en réalité les pénis en érection, bien que l'ensemble ne soit que surdimensionné, étaient l'objet qui réalisait mes fantasmes. Je continuais donc à fantasmer dans des vêtements féminins furtivement endossés. Toutefois l'autodestruction avait commencé psychiquement et physiquement (95 kg a 15 ans ). Cela a duré 40 ans.

Vient ensuite la fin du cycle scolaire, apportée par un apprentissage (cuisinier, mon analyse sur le choix de ce métier est que de voir ma grand mère faire à manger m'influença). La dure réalité, je pris la place d'un enfant qui fut jeté à la porte parce qu'il fut surpris se masturbant dans une culotte. Alors de ce fait silence et re-refoulement sexuel. Le malaise devenait lourd. J'avais fait un nœud de pendu comme on les voyait dans les films de cow-boys au dessus de ma tête, et depuis mon lit je résistais à l'idée ...

Ce fut à ce moment que je connus mon premier amant. Aux grands dieux, pas de chair mais de verre, une solide bouteille de liqueur de noisette de la forêt d'Othe, type magnum. Pas de doute, mes zones érogènes n'était pas celles d un mec, mais il fallait assurer, faute de subir la honte au travail et dans la famille. De ce fait, j'avais pris la barbe style Castro, ceci jusqu'à 30 ans, espérant refouler mes pulsions et les mecs qui me draguaient sans que je fasse quoi que se soit. Vient l'armée où j'eus mon premier amant de chair. De puceau je passais gay actif, coincé entre le dégoût, l'envie, la frustration et le manque d'informations. Informations que complétais par la recherche de moi-même dans des livres sur l'homosexualité. Livres encore trop rares et très mal vus (cela m'a valu une mise en quarantaine lors d'un remplacement professionnel). Cela ne m'a pas suffi pour me trouver. C'est à ce moment que le besoin de voir un psychiatre aurait été déterminant (enfin, sauf erreur, j'aurais peut-être gagné un séjour en asile à cette époque ...)

Première relation avec une fille a la sortie de l'armée. Un fiasco. Alors je me suis mis en couple avec une femme qui m'accompagne encore à ce jour, malgré mes changements physiques en cours et à venir. Mais à ce moment, mes tendances sont plus fortes. Je l'informe que je souhaite porter de la lingerie et sa réponse est nette : "si mon mari devenait gay, adieu". Quand on est mal dans sa vie, que l'obésité frôle votre porte, que la mort hante vos pensées, vous fermez cette porte et vous vous créez une façade en béton armé. Seulement, le béton vieillit et les fissures sont là et vous permettent de vivre avec plus de besoin votre féminité. Vous profitez de moments furtifs pour acheter, porter et puis jeter a la poubelle des vêtements où comme une seconde peau vous respirez. Les amants se suivent comme les mouchoirs en papier. Vous passez le cap du placard par le jeu de la vie, lasse de vous faire provoquer par des ignares homophobes. Le défi est vaincu, l'air entre dans vos poumons comme une bouffée d'oxygène, mais la vue de jolies femmes en ville ou sur des placards publicitaires vous étouffe (dysphorie du genre), et là, vous vous dites que vraiment vous n'arrêterez plus la machine à vivre. Seulement, la vie sociale est là. Les enfants aussi (2 filles de 13 ans à ce moment), alors le frein se resserre, mais de moins en moins. Je prends alors de plus en plus de renseignements. Mes tenues s 'étoffent : perruque, robe, chaussures ... Mes premières sorties en club échangiste afin de tester mon image de trav'. Les annonces sur réseau se suivent, et vous prenez conscience que le jeu n'en n'est pas un. Vient alors le moment de la quarantaine où après avoir semé pendant des années durant de petits cailloux, afin que l'on vous aide à vous assumer et à mieux vous comprendre, le moment est venu de faire le point sur sa vie, de se mettre à vouloir se construire après avoir construit votre entourage irréel un tant soit peu (travail, maison, famille, relations clients ...)

Cela m'a pris en montagne par une belle journée de ballade en 4x4 : coup de blues à l'heure du thé entre chêne et ravin, après déjà quelques alertes, mon épouse me demande pourquoi je fais la gueule. Allez expliquer à une jolie femme avec qui vous vivez depuis 20 ans, vous ayant apporté la satisfaction de pouvoir ressentir votre instinct de femme en pouponnant deux jumelles, vous ayant appuyé et suivi durant les coups de chômage ou autre que "vous êtes depuis toujours bi, travestie passive et adorant vivre en femme" que votre vie c'est cela. L'air vous manque, mais je l'ai fait et je ne le regrette pas. Vivre dans le mensonge perpétuel, se mentir à soi même, mourir a petit feu, je ne pouvais plus et ne le souhaite a personne.

Alors grâce à Alexandra, j'ai pris conscience de ma vie. Au risque de tout détruire, j'ai annoncé mes intentions de changer physiquement, de vivre au féminin. Bref, un suicide annoncé, mais en faisant cela lentement, j'ai réussi à survivre au chaos. Mon coming-out fait, je suis surpris de la réaction de mes clients. R.A.S. pour le moment. Mes frères et soeur me comprennent, mes neveux commencent à l'apprendre, mes enfants le savent (un compromis est établi, papa pas en jupe à la maison). Je vis désormais en femme qui se construit, je travaille en vêtements féminins, maquillage compris, bien que mon traitement hormonal n'ait pas encore débuté (être fort, cela aide; la poitrine est un peu présente mais mon coming-out m'a permis de perdre déjà 11 kg).

La recherche de professionnels dans ma région m'a pris du temps et surtout de l'énergie mentale, le psy surtout. N'hésitez pas à faire suivre vos proches par un psychothérapeute au besoin : cela a beaucoup aidé ma femme. Vos paroles sont d'or, mais la peine de platine ...

Maintenant j'espère en la vie. Faites surtout une analyse profonde de votre passé. Françoise Dolto parlait de choix sexuel 6 mois avant la naissance ... Ne vous lancez pas sans réfléchir, il n'y a pas de retour sans dégâts irréparables pour vous et votre entourage. Mes aspirations ne sont pas forcément les vôtres et on ne peut mesurer celles-ci sur quelques mois.

Voilà, je suis Sandra, 43 ans, mariée avec Marie-Ange, deux enfants, vivant au pays basque et dirigeant une entreprise commerciale.

L'Avenir seul peut dire de nos amours tant espérés.

Bises à vous mes anges, et merci a STS.

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